Allonger son prêt immobilier et garder son épargne : est-ce vraiment une bonne idée ?
Réduire votre apport et emprunter plus sur votre crédit immobilier, c’est la solution que conseillent certaines banques à leurs clients ces derniers mois. Elles vous incitent à prendre un plus gros prêt immobilier en n’utilisant pas tout votre apport personnel et en vous conseillant de le placer sur d’autres produits d’épargne.
Un choix qui demande de faire quelques calculs et de s’intéresser aux perspectives d’évolution économique à moyen et long termes. Nous allons voir que cela n’est pas toujours aussi intéressant que ça en a l’air…
Des prêts plus longs et un usage moins important de l’apport personnel
Nous avons vu dans notre analyse des taux immobiliers en février 2015 que les banques ont recommencé à prêter sur des durées plus longues depuis juin 2014. En parallèle la part du financement d’une acquisition immobilière qui est faite par l’apport personnel des emprunteurs diminue fortement.
Ceci résulte d’une cause principale. De nombreuses banques incitent leurs clients à moins utiliser leur épargne pour financer leur achat et à recourir davantage au crédit. C’est ce que nous constatons à travers les témoignages qui se multiplient dans ce sens depuis quelques mois. Il est ainsi plus facile actuellement d’obtenir un prêt immobilier sans apport.
Nous avons déjà abordé la question de l’usage de l’épargne dans le financement dans notre article « Faut-il utiliser toute son épargne pour financer son achat immobilier ?« . Nous allons revenir ici sur les raisons qui poussent les banques à vous orienter dans ce sens et à étudier dans le contexte économique actuel si c’est aussi dans votre intérêt à vous et non pas que celui de votre banquier…
L’argument des banques : profitez des taux bas pour vous endetter !
L’argument numéro un des banques pour convaincre les emprunteurs de ne pas utiliser tout l’apport qu’ils avaient prévu d’utiliser et de le placer chez eux en parallèle est qu’avec des taux d’intérêt aussi bas, il faut en profiter pour s’endetter davantage. Certains vous diront même au maximum de vos possibilités.
C’est le même raisonnement que celui qui pousse à se dire j’achète de l’immobilier parce que les taux sont bas, sans se rendre compte que l’immobilier est actuellement surévalué en France et que le logement que vous achetez aujourd’hui risque de valoir moins (voire beaucoup moins) dans quelques années. N’oubliez pas que la plus grande partie du coût d’un achat immobilier provient du prix de la maison ou de l’appartement et pas des taux d’emprunt…
Il est sûr qu’en regardant dans le rétroviseur on peut se dire que par rapport aux taux immobiliers du passé, c’est vraiment intéressant de pouvoir emprunter dans ces conditions-là aujourd’hui. Seulement pour que cette opération soit rentable pour un emprunt souscrit aujourd’hui, il faut plutôt se pencher sur les évolutions des taux dans les années à venir que sur ceux du passé. Il faut également se pencher sur d’autres facteurs économiques comme les prévisions d’inflation, les prévisions d’évolution des revenus, l’orientation des taux de rémunération de cette épargne non utilisée, etc. Nous y reviendrons un peu plus tard…
Voici pourquoi les banques ont intérêt à vous conseiller dans ce sens
Depuis la crise financière de 2008 et la paralysie bancaire qui en a résulté, différentes mesures de prudence ont été mises en place pour limiter les risques d’une future faillite d’une grande banque. On parle notamment des règles prudentielles de Bâle II, puis de Bâle III qui sont imposées progressivement aux banques.
Celles-ci doivent notamment s’assurer de détenir un niveau suffisant de fonds propres par rapport aux montants qu’elles prêtent. Le système financier actuel est fait de telle sorte que quand vous placez 1 € dans une banque, cela l’autorise de prêter 10 € (à des particuliers, des entreprises, etc.). Donc, par exemple, si vous utilisez vos 50 000 € d’apport pour financer votre achat immobilier plutôt que de les placer, cela lui enlève la possibilité de prêter 500 000 € supplémentaires…
On comprend rapidement que les banques ont tout intérêts à vous inciter à placer votre épargne plutôt qu’à l’utiliser pour financer votre logement. En laissant vos 50 000 € sur votre compte bancaire ou sur des placements de cette banque (livrets, assurance-vie, etc.) et en empruntant 50 000 € de plus, vous allez offrir la possibilité à votre banque de :
- Gagner plus d’argent sur vos placements (commissions de gestion, etc.) et votre emprunt (assurance de prêt, intérêts du crédit, frais de garantie, etc.),
- Et surtout de pouvoir financer 450 000 € supplémentaires de crédit de toute sorte, ce qui génèrera énormément d’argent pour celle-ci.
Est-ce vraiment une si bonne idée pour vous en période déflationniste ?
Si les taux immobiliers sont aussi bas c’est parce qu’économiquement, la France mais aussi l’Europe et une bonne partie des pays occidentaux, sont en déflation (ou presque). Certains utiliseront le terme d’inflation presque nulle ou négative pour éviter de dire clairement que l’on est en déflation ou proche de l’être, tant ce terme fait peur. Pour bien comprendre ce qu’implique une période de déflation et ce que cela signifie pour le marché immobilier, consultez notre article sur la déflation et les conséquences pour l’immobilier.
Pour bien comprendre ce que coûte réellement votre emprunt, vous ne devez pas regarder que le taux d’intérêt de votre crédit immobilier, vous devez également le comparer à l’inflation. En effet, ce qui compte avant tout c’est le taux d’intérêt net d’inflation et son évolution :
On se rend déjà compte que depuis plusieurs mois, ce taux d’intérêt net d’inflation ne cesse d’augmenter. Cela signifie que l’argent coûte, en réalité, de plus en plus cher. De l’autre côté les placements financiers rapportent de moins en moins avec une inflation presque nulle. Il sera déjà bien de conserver son capital à l’avenir si la déflation s’installe réellement.
De l’épargne qui va rapporter de moins en moins à l’avenir
Faites attention à ne pas calculer ce que vous pouvez gagner en empruntant avec le taux fixe annoncé et en projetant les mêmes conditions de rémunération de l’épargne qu’actuellement. Tous les supports (livrets, assurance-vie, etc.) vont connaître de nouvelles baisses de taux de rémunération dans les années à venir à moins de retrouver un taux d’inflation plus important.
Il n’y a effectivement que si l’inflation repart réellement et durablement dans les années à venir que ce type d’opération (emprunter plus et placer votre apport) rapportera réellement de l’argent. En suivant ce genre de recommandation faite par votre banque vous faites le pari que l’inflation va augmenter dans les années à venir et que vous pourrez donc obtenir plus de votre épargne que le coût supplémentaire engendré par votre crédit immobilier plus long.
À première vue, si les banques poussent de plus en plus dans ce sens c’est parce qu’elles font le pari inverse. L’inflation va rester nulle, voire négative pendant de longues années et ce sont elles qui gagneront de l’argent en vous ayant fait emprunter plus et en gardant vos économies…
En période de déflation, l’un des meilleurs placements pour votre épargne est le remboursement anticipé de vos crédits et il est très important pour ceux à qui il en reste de renégocier leurs crédits immobiliers pour ne pas que leur taux d’intérêt réel (c’est-à-dire net d’inflation) s’envole. Si vous avez emprunté à 4.00 % quand l’inflation était de 2.00 %, votre taux réel était de 2.00 %. Maintenant que l’inflation est à 0.5 %, voire moins, votre taux réel est monté à 3.50 %. Seul un rachat de votre prêt dans de meilleures conditions ou une renégociation de votre taux avec votre banque vous permettra de ne pas subir cela.
Si vous faites le choix malgré ce contexte de réduire votre apport et d’augmenter votre crédit immobilier, vous devez absolument négocier les frais de remboursement anticipé. Ainsi, vous pourrez changer d’avis à moindres frais et utiliser cette épargne pour rembourser beaucoup plus vite votre emprunt et ainsi en faire chuter le coût si finalement ce choix n’est plus intéressant… Mais attention, ce sont les premières années que votre crédit immobilier vous coûte le plus d’argent. Pensez donc à optimiser vos mensualités en suivant ces 10 conseils.
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